Relations franco-algériennes : Retour sur le naufrage moral de la droite 

Eric Ciotti, président de LR

Les relations entre la France et l’Algérie sont certes souvent marquées par des tensions et des incompréhensions mutuelles. Mais les gouvernements des deux pays, liés par de forts liens historiques et culturels hérités de la colonisation, essayent, tant bien que mal, d’arrondir les angles et de traiter tous les dossiers conflictuels avec l’espoir de dépasser leurs divergences, notamment en matière mémorielle. Dans ce contexte complexe, la droite française dite « traditionnelle » s’amusait déjà à jouer les trouble-fête depuis plusieurs mois. Durant la campagne électorale des européennes qui vient de s’achever avec un triomphe de l’extrême droite, elle s’est embourbée dans un naufrage moral et dans l’indignité. Cela se confirme avec les tractations LR-RN à l’occasion des législatives du 7 juin prochain.  

Le 30 mai dernier, le compte X officiel du parti Les Républicains (LR), censé être l’héritier des partis gaullistes – RPR (Rassemblement pour la République) et UMP (Union pour un mouvement populaire) –, a surpris la twittosphère par une publication, le moins qu’on puisse dire, raciste et xénophobe. Le tweet commentait à sa manière l’information portant sur la transmission au président Emmanuel Macron, dans le cadre des travaux de la commission mixte franco-algérienne des historiens, d’une liste de biens culturels que l’Algérie veut récupérer. « Message de service à l’Algérie, il faut tout reprendre, les biens et le mal : criminels, délinquants, clandestins, OQTF (obligation de quitter le territoire français, ndlr). », lit-on sur le post. Cette phrase déjà tendancieuse accompagne un visuel qui détourne des images de célébration des supporters de l’équipe d’Algérie de football sur les Champs-Élysées et leur célèbre slogan : « One, two, three, viva l’Algérie ! », créant un amalgame plein de clichés et injurieux envers tous les Algériens et les Franco-algériens.

Capture d’écran du tweet anti-algérien de LR
Capture d’écran du tweet raciste anti-algérien du compte officiel du parti de droite Les Républicains

De nombreuses personnes, allant des simples citoyens aux responsables associatifs et politiques, ont ironisé sur le contenu et le ton du message en pleine campagne pour les élections européennes. Elles se demandaient si le compte des LR n’était pas piraté par les partis d’extrême droite : le Rassemblement national (RN), anciennement Front national (FN), et Reconquête ! Ce post, qui exprime toute la haine idéologique anti-algérienne de l’extrême droite, concentrant ses fantasmes anti-immigrés, anti-maghrébins, anti-arabes et anti-musulmans, a fait dire à beaucoup d’internautes que LR avait franchi le pas pour être le 3e parti d’extrême droite en France.

Et pour cause, ce qu’on pouvait penser être une simple erreur d’appréciation d’un « stagiaire » de l’équipe de communication d’un parti jadis de gouvernance est entièrement assumé par son président Eric Ciotti. Le député des Alpes Maritimes a renchéri en écrivant à son tour : « Transmettons également à l’Algérie la liste des délinquants qu’ils doivent reprendre chez eux ». Faisant la sourde oreille à de nombreux appels pour retirer le tweet jugé « honteux », celui-ci est toujours en ligne. « Je condamne avec force ce tweet qui ne reflète ni les valeurs ni l’histoire des Républicains. Aucun calcul électoral n’autorise à insulter un pays et son peuple, quelles que soient les divergences qui nous opposent. Je demande le retrait de ce tweet indigne qui abîme la belle campagne que mène FX Bellamy. », a exigé vainement, Xavier Bertrand, ancien ministre et Président de la Région Hauts de France. Quant à François-Xavier Bellamy, tête de liste LR aux européennes, il n’a pas jugé utile de réagir à cette polémique. Autrement dit, il a cautionné ce dérapage de trop de sa formation politique, au même titre que la quasi-totalité des noms influents du parti, anciens et nouveaux.

Les Républicains, mal nommés dans ce contexte, se renient totalement en prenant part à une course à l’échalote nauséabonde avec l’extrême droite, à qui ils voulaient gratter des voix visiblement sans succès. Sur la question si sérieuse de la mémoire coloniale, qui préoccupe à haut niveau les diplomaties française et algérienne depuis au moins deux décennies, ils ont réussi à montrer un visage encore plus crasseux que les Le Pen. Quel exploit ! C’est du sophisme low cost que de détourner un sujet aussi important, qu’on ne maîtrise même pas, à des fin électoralistes en se référant au titre d’un journal d’extrême droite. Dans leur bêtise, les LR ont non seulement copié Marion Maréchal Le Pen, tête de liste Reconquête aux européennes, mais ils ont réussi à y mettre plus d’amalgames.

Boyer, le cas symptomatique d’une dérive 

Pire que les cadres « républicains » qui ont préféré garder lâchement le silence par peur des sanctions du chef, il y a les incultes politiques, qui ne connaissent ni l’histoire de leur pays ni celle de leur parti. Dans cette catégorie, nous avons trouvé une pépite, une vraie championne : Valérie Boyer, sénatrice des Bouches-du-Rhône. Voici ce qu’elle a osé publier : « Alors que l’Algérie réclame à la France la restitution des biens, je m’interroge sur la réciprocité d’un tel geste. Les autorités algériennes s’engagent-elles à restituer les biens aux Harkis, aux Pieds-Noirs et aux Kabyles spoliés ces dernières années ? » (Sic) !!! Alors qu’à la base le sujet concerne des biens culturels avec une portée symbolique historique, notamment des archives et des affaires appartenant aux chefs de la résistance algérienne à la conquête française comme l’émir Abdelkader, Boyer – en manque d’inspiration mais voulant tout de même faire figure de bonne élève – évoque des biens immobiliers. Soit.

On peut comprendre effectivement qu’on parle des biens ayant appartenu aux harkis et aux pieds-noirs, une vieille diversion que les nostalgiques de l’« Algérie française » remettent sur la table à chaque fois qu’un rapprochement s’opère entre Alger et Paris sur le dossier mémoriel. Or, ces biens ont été abandonnés en majorité après la signature des accords d’Évian, en mars 1962, par leurs propriétaires. Certains ont quitté l’Algérie par peur des représailles des nationalistes algériens, de surcroît dans un contexte de guerre civile engendrée par la violence inouïe des terroristes de l’OAS (Organisation de l’armée secrète). D’autres n’arrivaient simplement pas à se projeter dans l’avenir d’une Algérie indépendante dirigée par les « fellagas », lui préférant l’assurance de la France des Trente Glorieuses. Sur le fond de ce sujet, quelques rappels s’imposent néanmoins. D’abord, l’Etat algérien n’a réquisitionné que peu de « biens privés » après l’indépendance, notamment des commerces, des manufactures, des grandes propriétés terriennes et des bâtiments faisant partie du patrimoine national. Ensuite, les biens des harkis ont été généralement récupérés par leurs familles : parents, frères ou cousins. Enfin, ceux des pieds-noirs, considérés comme des biens vacants après leur exode massif vers la métropole française, ils ont été progressivement occupés par des familles algériennes profitant du vide juridique créé par l’application partielle des accords d’Évian, surtout dans sa disposition portant sur la « protection des biens ». Faut-il pour cela revenir au temps des accords d’Évian pour refaire l’histoire ?

L’ancienne porte-parole des Républicains aurait pu s’arrêter là. Mais, en apprentie propagandiste digne d’être porte-voix de l’extrême droite, elle finit son commentaire avec une fake news sans queue ni tête : restituer les biens aux « Kabyles spoliés ces dernières années » ! Ignorante car elle ne sait certainement pas que la région de Kabylie a donné naissance au courant le plus radical du nationalisme algérien qui a prôné la révolution armée dès mai 1945, la même contrée au cœur de l’Algérie résistante qui fournira des centaines de hauts cadres politiques et des milliers de combattants au FLN-ALN (Front de libération nationale-Armée de libération nationale) dès novembre 1954, madame Boyer est aussi une menteuse. Il n’y a absolument aucun cas de spoliation des Kabyles, ni ces dernières années, ni depuis l’indépendance. L’expropriation inique en Kabylie, et en Algérie d’une manière générale, a disparu avec la fin de la colonisation. Ce procédé néocolonialiste, s’inspirant du fameux « diviser pour régner », montre du doigt toute une région, déjà souvent attaquée par les relais de la haine politico-idéologique de l’autre rive, uniquement pour assouvir les fantasmes anti-algériens de son parti. Sa fumisterie fait certainement référence aux poursuites judiciaires et les peines d’emprisonnement prononcées par la justice algérienne contre des membres du parti séparatiste MAK (Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie) après son classement par les autorités algériennes comme « organisation terroriste » en 2021, au même titre que le mouvement islamiste Rachad. Mais il n’a jamais été question de spolier quiconque, à aucun moment, dans aucun dossier.

Une droite renégate

L’exemple de Boyer donne un aperçu caricatural, mais en même temps assez réaliste, de la déchéance intellectuelle d’une droite qui a fini de s’endurcir et assume désormais de virer vers l’extrême droite. Alors qu’ils sont nombreux à être eux-mêmes des « repris de justice », ce qui est ironique dans cette histoire, les responsables moralistes de LR assimilent, toute honte bue, leur compatriotes français d’origine algérienne et les ressortissants algériens aux délinquants et aux criminels. Plus raciste tu meurs ! C’est un reniement pur et dur par opportunisme électoraliste, une trahison des valeurs essentielles qui ont fait la droite républicaine et gaulliste depuis plus de 80 ans.

Il va sans dire que la droite de gouvernement a opéré une mutation idéologique importante à partir du début des années 2000, dans un contexte de fin de règne du « chiraquisme » et l’émergence de l’ère « sarkozyste ». La droite se voulant naguère égalitaire cèdera sa place progressivement à une droite de plus en plus identitaire. Sur le plan international, la « politique arabe de la France », dont les contours ont été dessinés par Charles de Gaulle en 1967 avec la guerre des Six Jours et restaurée par Jacques Chirac en 2003 à l’occasion de la guerre d’Irak, a été remplacée par une stratégie atlantiste faisant de la diplomatie française un « soutien inconditionnel » des États-Unis et d’Israël. Ce qu’on constate aujourd’hui encore au moment où le génocide des Palestiniens se poursuit impunément à Gaza.

Quant à la relation bilatérale franco-algérienne, qui nous intéresse dans ce propos, la droite gaulliste a historiquement toujours prôné des rapports apaisés entre Paris et Alger. Cela remonte jusqu’à la signature des accords d’Évian en mars 1962. Ce qui a valu au général et à ses partisans sur la question algérienne d’être désignés comme cibles par la sinistre OAS. Un rappel de taille aux actuels dirigeants des LR, qui revendiquent leur appartenance au gaullisme tout en adoptant, paradoxalement, le discours xénophobe envers les Algériens d’un parti fasciste fondé par d’anciens tortionnaires et terroristes durant « les événements d’Algérie ».

À l’occasion des élections régionales de mars 2010, le FN a provoqué une grande polémique avec cette affiche qui en dit long sur le ressentiment de l’extrême droite, nos- talgique de l’« Algérie française », envers les Algériens de France (©AFP).
À l’occasion des élections régionales de mars 2010, le FN a provoqué une grande polémique avec cette affiche qui en dit long sur le ressentiment de l’extrême droite, nostalgique de l’« Algérie française », envers les Algériens de France.

Croisade contre l’accord franco-algérien

C’est aussi sous la présidence du général de Gaulle qu’a été signé le fameux accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Souhaité par les autorités françaises de l’époque non pas pour « donner des privilèges » à l’immigration algérienne, mais plutôt pour la réguler en sachant que les Algériens bénéficiaient de la libre circulation vers et en France grâce aux accords d’Évian, ce document a instauré un nouveau cadre légal relatif à « à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ». D’ailleurs, Charles De Gaulle n’a pas omis l’aspect symbolique en signant le décret de publication de l’accord le 18 mars 1969, date du 7e anniversaire des accords d’Évian. Suivant les évolutions politiques, économiques et démographiques dans les deux pays, le texte a été amendé maintes fois. Le dernier avenant en date a été signé le 11 juillet 2001, sous Chirac. Il a permis d’aligner le statut des Algériens sur l’essentiel des dispositions que prévoit le droit des étrangers en France.

En effet, malgré le maintien de son caractère « spécifique » et son statut « dérogatoire » par rapport au code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), l’accord de 1968 est très loin d’être un blanc-seing pour un quelconque flux migratoire en provenance d’Algérie, contrairement aux écrits et déclarations de Xavier Driencourt. Depuis la fin prématurée de sa seconde mission à Alger, où il était devenu persona non grata avec l’arrivée au pouvoir du président Abdelmadjid Tebboune, l’ancien ambassadeur de France (2008-2012 et 2017-2020) mène une croisade contre le traité franco-algérien demandant sa « dénonciation ». Il affirme qu’il est « trop avantageux » pour les Algériens et qu’il bloque la mise en place d’une « politique migratoire cohérente ». Or, de nombreux chercheurs indiquent que le texte en vigueur actuellement est plutôt équilibré, comportant des points favorables et d’autres défavorables aux ressortissants algériens selon leurs différents statuts de séjour.

Cependant, les arguments de Driencourt continuent d’être prêchés comme une parole d’évangile par la droite, y compris dans les rangs de la majorité présidentielle. En effet, les députés du parti Horizons, fondé par l’ancien Premier ministre Édouard Philippe, ont voté un texte de loi réclamant la dénonciation de l’accord franco-algérien proposé par LR, dans le cadre de leur niche parlementaire en décembre 2023. Finalement rejeté à cause de l’abstention du RN, qui ne voulait pas donner de victoire symbolique aux LR dans leur jeu de rivalité hostile à l’Algérie, ce projet cache mal une volonté commune de créer une situation de pourrissement dans les relations franco-algériennes et d’empêcher tout rapprochement entre les deux pays, au risque de provoquer des conflits juridiques et légaux qui nous renverraient dans les périodes révolues pré et post-accords d’Évian.

Que l’extrême droite, nostalgique de l’« Algérie française » et du « temps béni des colonies », fasse de la provocation anti-algérienne, souvent de manières insultantes voire racistes, un fonds de commerce électoral n’est pas étonnant vu son histoire. Mais que cela vienne de femmes et d’hommes politiques de droite, autoproclamés « républicains », est vraiment indigne de leur part. Ils tournent le dos à leur passé. Même aux moments des plus graves crises entre Paris et Alger, à l’instar de la période des nationalisations unilatérales postindépendance et de la décennie noire du terrorisme, les dirigeants et cadres de la droite gaulliste puis chiraquienne ne se sont jamais abaissés à un tel niveau d’indécence politique, surtout quand il s’agissait du dossier de la mémoire de la colonisation.

Renoncer à l’héritage algérien de Chirac

D’ailleurs, avec l’arrivée au pouvoir d’Abdelaziz Bouteflika, le président Chirac a amorcé une nouvelle dynamique de rapprochement entre les deux pays, se voulant basée sur la confiance et le respect mutuels. La première pierre dans ce sens a été son soutien du vote, en juin 1999, par les deux chambres du parlement français de la loi reconnaissant officiellement la terminologie de la « guerre d’Algérie ». La sanglante guerre coloniale menée par la France dans son ancienne colonie est enfin désignée par son nom. Ce qui ouvrait, aux yeux de la partie algérienne, de meilleures perspectives pour la coopération entre les deux pays.

Dès juin 2000, le président Bouteflika se rend à Paris en visite d’Etat. Il a même fait un discours à l’Assemblée nationale dans lequel il s’est montré optimiste quant à l’avenir des relations algéro-françaises, sans oublier néanmoins d’évoquer déjà les attentes d’Alger en matière mémorielle. Pour montrer le décalage entre le comportement de la droite de l’époque et celle qui va advenir, on peut évoquer ici le fait que de nombreux députés de droite ont boycotté le discours du président algérien pour contester, d’une manière démocratique et républicaine, les positions de l’Algérie par rapport à la question des pieds-noirs et des harkis.   

L’enjeu électoral autour de ces communautés en France expliquait en grande partie les « réprimandes » de la droite envers les dirigeants de l’ancienne colonie française. Mais sans jamais franchir la bienséance diplomatique. Par exemple, lors de sa présence en France, le chef l’Etat algérien a assimilé les harkis aux collabos français. Cela n’a pas été du goût des associations des harkis. En réaction, Chirac s’est démarqué de cette comparaison, le 14 juillet, en se disant « choqué ». Ce à quoi Bouteflika a rétorqué qu’il comprenait que son « ami, le président Chirac » puisse s’exprimer en tenant compte du contexte interne en France sur les plans politique et historique.

Quoi qu’il en soit, les deux présidents s’étaient mis d’accord sur la poursuite d’un large dialogue sur tous les plans et l’organisation d’une année culturelle de l’Algérie en France : « Djazaïr 2003 ». En mars de la même année, le président Chirac a effectué une visite historique à Alger et à Oran. Il y a plaidé pour un « partenariat d’exception » à la hauteur de « l’histoire commune ». À l’issue de ce voyage, la « réconciliation franco-algérienne » est sérieusement envisagée à travers l’ouverture de négociations pour la signature d’un traité d’amitié. Alors qu’il était censé aboutir au bout de deux ans, le traité a été littéralement saboté par la majorité présidentielle, qui a poignardé son chef dans le dos pour des raisons électoralistes étroites, en adoptant la loi du 23 février 2005, attribuant à la colonisation « un rôle positif ». Malgré l’intervention après coup de Chirac, qui a retoqué le texte en passant par le Conseil constitutionnel, le mal était fait. Le lien de confiance entre les deux gouvernements a été rompu et le traité d’amitié enterré.

Initié en 2003, « Année de l’Algérie en France », par les présidents Jacques Chirac et Abdelaziz Bouteflika, un traité d’amitié franco-algérien devait être signé en 2005. Mais la fameuse loi du 23, vantant en partie le « rôle positif » de la colonisation, a enterré le projet. Depuis, Alger ne donne aucun crédit à Paris sur ce sujet (visite du président Chirac en Algérie, mars 2003, ©AFP).
Initié en 2003 par les présidents Jacques Chirac et Abdelaziz Bouteflika, un traité d’amitié franco-algérien devait être signé en 2005. Mais la fameuse loi du 23, vantant le « rôle positif » de la colonisation, a enterré le projet (visite du président Chirac en Algérie, mars 2003, ©AFP).

La droite de l’agitation politique

Avec la prise en main du leadership à droite par Nicolas Sarkozy, président du parti présidentiel UMP (2004-2007), les relations franco-algériennes se dégradent, puis se stagnent avec son arrivée à l’Élysée. Nonobstant sa visite en Algérie en décembre 2007, où il a déclaré que « la colonisation a été un système profondément injuste », il connaissait mal le dossier algérien et, en réalité, il s’y intéressait très peu, préférant garder le statu quo et ainsi le soutien électoral indéfectible des harkis et des pieds-noirs. Cependant, Sarkozy a toujours montré un minimum de respect envers l’Algérie, durant son mandat et après, sans s’empêcher d’exprimer librement ce qu’il pense. Par exemple, il a récemment déclaré ne pas croire à l’amitié entre la France et l’Algérie, en tout cas telle envisagée par Macron.

Aujourd’hui, cette posture de femmes et d’hommes d’Etat est quasiment absente chez LR. Même son président, Éric Ciotti, se comporte comme un simple agitateur d’extrême droite quand il s’agit de l’Algérie ; lui qui a déclaré : « Ce qui nous différencie globalement du Rassemblement national, c’est notre capacité à gouverner ». S’il fait l’aveu lui-même que LR = RN, personne ne le prend au sérieux quant à sa capacité de gouverner. À moins qu’il espère être un jour ministre du RN, peut-être même dans un mois, après les législatives convoquées par Macron qui a dissous l’Assemblée nationale en prenant le risque d’offrir le pouvoir à l’extreme droite. Malgré l’opposition de plusieurs cadres du parti, Ciotti vient d’annoncer une « alliance avec le Rassemblement national ».

Son cas n’est pas isolé. Depuis 2012 et le bras d’honneur de Gérard Longuet, ancien ministre de la Défense sous Sarkozy, en réaction à une énième demande légitime de l’Algérie à la France afin qu’elle reconnaisse ses crimes coloniaux, plusieurs responsables du parti n’hésitent pas à exprimer des positions outrancières et insultantes à l’égard du peuple algérien et des citoyens franco-algériens, dont certains sont cadres et militants de cette famille politique. Dans ce sens, Tokia Saïfi, ancienne ministre et députée européenne du parti, actuellement chargée des Français de l’Étranger au sein d’Horizons, a été outrée par la publication de ses anciens camarades. « Quelle dérive Les Républicains ! Où s’arrêtera votre course vers l’extrême droite ? », a-t-elle réagi sur son compte X.     

En adoptant le discours et les éléments de langage de l’extrême droite, qui n’hésitait pas à commettre des crimes racistes anti-algériens durant les années 1970/1980 avant de relancer sa machine de haine sur internet durant les décennies suivantes, Les Républicains compromettent davantage le dialogue franco-algérien, qui concerne pourtant l’avenir de millions de citoyens français, et commettent une double-faute stratégique sur le plan électoral. Premièrement, la rhétorique du parti LR légitime celle des mouvements d’extrême droite, en particulier celle du RN, qu’il aide dans son entreprise de dédiabolisation. Deuxièmement, il se tire une balle dans le pied en renforçant électoralement son adversaire car, à supposer que le RN devienne « fréquentable » et « éligible » pour les électeurs de droite, ceux-là préfèreraient naturellement la marque originale à la copie. LR risquent de se dissoudre dans le RN, ce qui semble se profiler davantage avec les 7 % de la liste de Bellamy aux européennes contre 31 % de la liste de Jordan Bardella. Tout ça pour ça !

En attendant, l’affaire du tweet devrait avoir des suites judiciaires puisque trois députés, vice-présidents du groupe d’amitié France-Algérie, en l’occurrence Sabrina Sebaihi (Europe Écologie Les Verts), Soumya Bourouaha (Parti communiste français) et Léo Walter (La France Insoumise), ont saisi la procureure de la République pour « incitation publique à la haine raciale ». Des associations franco-algériennes ont également annoncé leurs intentions de porter plainte contre LR.

Lettre des députés Sabrina Sebaihi, Soumya Bourouaha et Léo Walter à la procureure de la République de Paris.
Lettre des députés Sabrina Sebaihi, Soumya Bourouaha et Léo Walter à la procureure de la République de Paris.

Sur le plan politique, l’ensemble du spectre de gauche (LFI, PCF, EELV, PS et Génération.s) a dénoncé unanimement le dérapage raciste de LR. Par contre, silence radio du côté des membres du gouvernement et de la macronie. Parmi l’entourage du président Macron, seul Karim Amellal, Délégué interministériel à la Méditerranée a dérogé à la règle. « Pathétique et navrant. Dire que ce parti se prétend être l’héritier du gaullisme… », a-t-il commenté. De son côté, Chems-Eddine Hafiz, recteur de la Grande mosquée de Paris, a signifié aux LR et à Ciotti que « le devoir mémoriel est une affaire sérieuse. Vos tweets sont indignes d’un parti républicain qui devrait être fermement opposé aux idées racistes ».

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