Et pour cause, le groupe algérien Sonatrach vient de signer avec le groupe français TotalEnergies deux contrats d’hydrocarbures, l’un portant sur l’extension des engagements contractuels pour la vente/achat de GNL et l’autre consiste en un protocole d’accord dans le domaine de la transition énergétique et des énergies renouvelables. Les deux PDG Toufik Hakkar et Patrick Pouyanné, respectivement de Sonatrach et de TotalEnergies, affichaient le grand sourire, dimanche 9 juillet, au siège du géant algérien des hydrocarbures à l’heure de parapher les précieux documents actant le mariage de raison, en présence du secrétaire général du ministère de l’Energie et des Mines et des cadres des deux entreprises.
Les deux contrats d’hydrocarbures concernent les champs d’exploitation opérés en partenariat à Tin Fouyé Tabankort, TFT II et TFT Sud, et permettront de faire bénéficier les deux contractants de dispositions prévues dans la nouvelle loi des hydrocarbures 19-13, a-t-on indiqué lors de la cérémonie de signature. Le contrat TFT II prévoit des investissements de développement de 332 millions de dollars, permettant de récupérer 43 milliards de m³ de gaz, 4,3 millions de tonnes de condensat et 5,7 millions de tonnes de GPL. Aussi, les investissements de développement du second contrat, TFT Sud, sont estimés à 407 millions de dollars, permettant la récupération de 11,5 milliards de m³ de gaz, 1,3 million de tonnes de condensat et 1,6 million de tonnes de GPL. Ainsi, la production combinée des deux périmètres TFT II et TFT Sud dépassera les 100 000 barils équivalent pétrole par jour à l’échéance 2026 contre une production actuelle d’environ 60 000 de barils équivalent pétrole par jour, selon la Sonatrach.
Accord total !
Ceci pour les détails techniques des contrats, qui vont sans doute doper la production du GPL et, par conséquent, les recettes des deux compagnies. Politiquement, ils confirment que les relations d’affaires et les partenariats économiques entre l’Algérie et la France ne subissent absolument pas de dommages collatéraux des bisbilles récurrentes entre les responsables des deux pays. Mieux encore, et à travers ces accords, l’Algérie via Sonatrach concrétise l’un des points focaux de la fameuse Déclaration d’Alger ayant sanctionné la visite du président Emmanuel Macron d’août 2022, à savoir assurer la sécurité énergétique de la France. Cela est inscrit noir sur blanc dans le communiqué commun rendu public dimanche : « À travers ces accords, les deux parties confirment et consolident leur partenariat commercial qui leur permet de jouer un rôle capital dans l’approvisionnement en gaz du marché français et européen, en contribuant à la sécurité énergétique des consommateurs ».
Voilà qui donne du sens au déplacement de Macron en Algérie dans le feu de la guerre de la Russie contre l’Ukraine et son impact frontal sur l’approvisionnement de l’Europe et, plus particulièrement de la France, en gaz naturel. À défaut du gaz russe, le gouvernement français avait opéré un virage stratégique en se tournant vers l’Algérie pour s’assurer une sécurité énergétique et mettre par la même occasion un terme à un froid diplomatique né des commentaires maladroits du président Macron sur l’Algérie, son régime et son histoire. C’est dire que la signature de cet accord sur le GNL entre Sonatrach et Total Energie revêt à la fois un objectif politique et stratégique. Signe que ce partenariat est « gagnant-gagnant », pour reprendre une formule ronflante dans les discours officiels des deux parties, Sonatrach et TotalEnergies ont également signé un protocole d’accord dans le domaine de la transition énergétique et des énergies renouvelables.
Besoin croissant en gaz algérien
S’agira-t-il entre autres de l’exploitation du gaz de schiste ? On n’en sait pas trop à ce stade. Officiellement, les deux groupes concèdent juste qu’ils veulent étendre leur partenariat vers « le domaine du développement durable et de la préservation de l’environnement, et s’inscrivant ainsi pleinement dans la politique nationale de transition énergétique ». Il y est dit aussi que ce protocole d’accord ouvre la perspective de développement de nombreux axes de coopération relatifs à la transition énergétique dont « notamment les énergies renouvelables, en particulier l’énergie solaire et éolienne, l’hydrogène bas carbone ainsi que la réduction et la valorisation des gaz torchés ».
Mais au-delà des domaines de partenariats ciblés par ces deux accords, il y a lieu de noter les éléments de langage des patrons des deux groupes. Ces nouveaux accords démontrent, selon le patron de Sonatrach Toufik Hakkar, « la forte relation qui lie les deux groupes », qualifiant les deux contrats TFT II et TFT Sud de « signe très fort, pour notre domaine minier, mais aussi pour la nouvelle loi des hydrocarbures 19-13 ». De son côté, le PDG de TotalEnergies s’est dit « très heureux et satisfait » de la signature de ces accords.
À rebrousse-poil des déclarations politiques du président Macron et de ses ministres, prétendant que la France ne courrait pas derrière le gaz algérien, Patrick Pouyanné n’a pas manqué d’exprimer haut et fort le « besoin croissant en gaz algérien, naturel et liquéfié ». De la France cela s’entend. Le patron du géant français en veut pour preuve les « bouleversements que vit le marché européen de l’énergie », d’où la nécessité d’après lui de consolider le « partenariat stratégique » entre son groupe et Sonatrach. Loin des polémiques et des échanges à fleurets mouchetés entre les responsables français et algériens, l’accord semble total sur des questions énergétiques à plus forte valeur ajoutée. L’argent n’a pas d’odeur dit-on.