Coup d’Etat au Niger : l’Algérie, la France et les États-Unis 

Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, et le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken.
L’Algérie et les États-Unis mettent en exergue la « profondeur » des liens qui les unissent et leur « convergences de vues » par rapport aux dossiers nigérien, libyen et sahraoui. Les deux pays disent partager, aussi, le souhait de voir la paix revenir bientôt en Ukraine. C'est loin d'être le cas quand on évoque les relations entre la France et l'Algérie. Analyse !

La rencontre qui s’est déroulée, mercredi 9 août, entre le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, et le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, était une occasion pour se pencher, entre autres, sur « les relations bilatérales entre les deux pays », et le développement qu’ont connu certaines questions régionales, particulièrement au Sahel avec le coup d’Etat au Niger qui a eu lieu le 26 juillet dernier. « J’ai rencontré le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, pour discuter du partenariat algéro-américain et se concerter sur les questions d’intérêt commun, notamment la stabilité au Sahel et une paix juste et durable en Ukraine. Nous avons également réaffirmé notre plein soutien au processus politique de l’ONU pour le Sahara occidental », a indiqué Blinken dans un post sur son compte Twitter.

Le porte-parole du secrétariat d’Etat, Matt Miller, a précisé ensuite que les chefs des Affaires étrangères américaines et algériennes ont « discuté du partenariat bilatéral entre les États-Unis et l’Algérie » et « se sont concertés sur les efforts conjoints visant à désamorcer les conflits et à promouvoir la stabilité régionale, notamment au Sahel ». Ils ont « réaffirmé l’importance d’une paix juste et durable en Ukraine conformément aux principes de la Charte des Nations Unies, ajoute-t-il, et ils ont réitéré leur plein soutien au mandat de l’Envoyé spécial du Secrétaire général, Staffan de Mistura, qui consulte intensivement toutes les parties prenantes en vue de parvenir à une solution politique au Sahara occidental ». Le représentant du département d’Etat tout a affirmé que son patron « a félicité le ministre des Affaires étrangères Attaf pour l’élection de l’Algérie au Conseil de sécurité des Nations Unies et a souligné la volonté des États-Unis de coopérer étroitement sur tous les sujets à l’ordre du jour du Conseil ».

Washington et Alger d’accord sur la solution à privilégier au Niger

De son côté, le ministère algérien des Affaires étrangères a indiqué, dans un communiqué, que « les deux ministres ont hautement salué la profondeur et la solidité des relations historiques d’amitié et de coopération liant l’Algérie et les États-Unis d’Amérique, se félicitant de la cadence des concertations politiques bilatérales et de l’élargissement des relations économiques à de nouveaux domaines, ainsi que les perspectives prometteuses pour davantage de réalisations sur la base des valeurs d’amitié, de confiance et d’entente ». Et d’ajouter : « Les deux parties ont échangé les vues sur les développements régionaux, particulièrement la situation au Niger, au Mali et en Libye, soulignant la convergence des positions des deux pays ainsi que leurs démarches en vue de privilégier des solutions pacifiques à ces crises afin d’éviter à la région les risques de l’option militaire ».

S’il est indéniable que les positions, algérienne et américaine, diffèrent par rapport à certaines questions internationales à l’image du conflit israélo-palestinien ou récemment de la guerre en Ukraine, ce n’est apparemment pas le cas pour ce qui est de la situation au Niger. Pour rappel, l’Algérie a rejeté dès le début de ce conflit, tout en réclamant le « retour à la légitimité constitutionnelle », toute intervention militaire étrangère dans ce pays, son grand voisin du sud.

La diplomatie algérienne s’est, ensuite, opposée au prince de l’ultimatum fixé par la Communauté économique des pays de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) en guise de menaces adressées aux militaires putschistes pour les obliger à rétablir dans ses fonctions le président nigérien déchu, Mohamed Bazoum. Le plus grand pays d’Afrique, qui partage avec le Niger plus de 900 km de frontières, craint l’« embrasement » de toute la région du Sahel, comme l’a souligné le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, samedi 5 août, qui a dit privilégier la « solution diplomatique ».

Or, son homologue américain, Joe Biden, semble être sur la même longueur d’onde sur ce sujet crucial. Ainsi, Victoria Nuland, numéro deux par intérim de la diplomatie états-unienne, a été dépêchée à Niamey, le 7 août dernier. La rencontre entre Blinken et Attaf peut être également inscrite dans la même logique de la recherche d’apaisement. Soucieux de ne pas rééditer le scénario libyen, les Américains veulent « associer » l’Algérie à un « règlement pacifique » de la crise nigérienne, ou du moins écouter sa voix. En effet, si la crise en Libye a mis en difficulté la lutte contre le terrorisme dans la région, dans laquelle sont engagés les États-Unis, un potentiel « conflit armé » au Niger ne ferait qu’aggraver encore plus les choses. Et c’est probablement là que se situe la vraie convergence de vues entre Washington et Alger.

L’Algérie clarifie ses relations avec son partenaire américain !

Ahmed Attaf, ministre algérien des Affaires étrangères, reçu par Antony Blinken, secrétaire d’Etat américain (Washington, 09/08/2023, APS).
Ahmed Attaf (à droite), ministre algérien des Affaires étrangères, reçu par Antony Blinken (à gauche), secrétaire d’Etat américain (Washington, 09/08/2023, APS).

La position et les démarches américaines vis-à-vis de la crise au Niger contrastent avec l’attitude première adoptée par la CEDEAO, principal allié et soutien de la France dans la région. Ces derniers jours, son président et chef d’Etat du Nigeria, Bola Tinubu, a modéré un peu son discours. Ce changement de ton est dû certainement aux craintes exprimées par l’Algérie et les États-Unis, ainsi qu’aux nombreuses voix qui se sont élevées sur le continent, et même à l’intérieur du Nigeria, pour rejeter l’intervention armée. Cependant, cette option n’est toujours pas écartée complètement par l’organisation ouest-africaine qui a ordonné, ce jeudi soir, l’« activation immédiate de sa force d’intervention », selon l’AFP.

L’autre point de « convergence » à relever, dans les communications algérienne et américaine autour de la rencontre Attaf-Blinken, est relatif à la question du Sahara occidental. Il est de plus en plus clair que l’administration Biden veut en finir avec l’épisode Donald Trump, l’ancien président américain qui avait reconnu seul la « marocanité » du territoire sahraoui. La diplomatie américaine exprime régulièrement, comme c’était le cas hier, son attachement au processus onusien mené par l’Envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies, Staffan de Mistura.

Contrairement à la France, pays avec lequel l’Algérie n’arrive même pas à s’entendre sur le programme de la visite que devrait effectuer le président Tebboune à Paris, les États-Unis montrent finalement une volonté manifeste de renforcer leur relation de « partenaire » avec l’ancienne colonie française. Leurs relations vont clairement mieux depuis l’arrivée au pouvoir de Biden, malgré les interférences de la guerre en Ukraine. La première puissance économique et militaire au monde mise principalement sur deux domaines de coopération : lutte anti-terroriste et hydrocarbures.

Les relations entre les deux géants de l’Amérique du Nord et de l’Afrique du Nord, faut-il le faire remarquer, ont un grand « avantage » par rapport aux relations franco-algériennes ; celui de ne pas être marquées par les aspects passionnels en lien avec la mémoire de la colonisation. Même si certaines personnalités politiques américaines tentent d’influer, de temps à autre, en faveur d’une relation conflictuelle entre Washington et Alger (comme ce fut le cas, en octobre 2022, lorsque 27 sénateurs menés par Marco Rubio ont réclamé des sanctions contre l’Algérie à cause de sa position dans le conflit russo-ukrainien), l’establishment US veille toujours à maintenir une ligne de conduite « amicale » à l’égard de l’Algérie, empreinte de pragmatisme.

Du moins c’est ce qui ressort des déclarations des responsables américains, y compris d’Antony Blinken qui n’a pas hésité, hier, à remonter l’« excellence des relations algéro-américaines » à 1795, année où la régence d’Alger a établi un traité de paix et d’amitié avec les États-Unis d’Amérique, pays fraîchement indépendant de la couronne britannique. De même, John Fitzgerald Kennedy, sénateur puis président des États-Unis, a été l’un des plus fervents soutiens occidentaux de l’indépendance de l’Algérie. Dans son célèbre discours prononcé au Sénat américain le 2 juillet 1957, baptisé The Algerian Speech (discours sur l’Algérie), JFK s’est prononcé clairement contre l’impérialisme français et il a appelé son pays à le combattre. Le premier chapitre de sa déclaration fleuve est intitulé « Algérie, France et États-Unis ». L’Algérie indépendante lui a été toujours reconnaissante.

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