Algérie : Commémoration contrastée de l’Offensive du Nord-Constantinois et du Congrès de la Soummam

FFS Congrès de la Soummam
Dans un contexte pré-électoral qui commence à se dévoiler peu à peu, quelques mois avant l’élection présidentielle 2024, la classe politique en Algérie célèbre, en rangs dispersés, la Journée nationale du Moudjahid, qui coïncide chaque année avec la double commémoration de l'Offensive du Nord-Constantinois (20 août 1955) et du Congrès de la Soummam (20 août 1956).

Aux côtés des célébrations « officielles », plusieurs acteurs politiques ont tenu à marquer le rendez-vous, y compris des formations de l’opposition et des activistes dissidents sans étiquettes partisanes. Ces derniers se sont surtout rendus, ou ils ont tenté se rendre pour certains, dans la destination privilégiée de cette journée commémorative : le village Ifri-Ouzellaguen (wilaya de Béjaïa, en Kabylie), lieu qui a abrité le Congrès de la Soummam.

Beaucoup d’opposants algériens revendiquent, en effet, l’héritage de cet évènement historique et décisif durant la Guerre d’Algérie. Ses initiateurs et principaux responsables, entre autres Abane Ramdane et Larbi Ben M’hidi, ont réussi avec sa tenue à mieux structurer la révolution et à jeter les jalons d’un Etat algérien indépendant et moderne.

Affluence et arrestations sur la route de la Soummam  

Comme chaque année à la même date, depuis sa sortie de clandestinité en 1989, le Front des forces socialistes (FFS) a organisé un rassemblement sur le site du congrès, auquel ont pris part de nombreux militants. Absent pour des raisons familiales liées à la perte de son père, le Premier secrétaire du FFS, Youcef Aouchiche, a tenu néanmoins à adresser un message à l’assistance, lu par Walid Hichem Zanabi, membre du Secrétariat national du parti. « Tous les signes et les indicateurs, dans le contexte d’aujourd’hui, appellent la nécessité du rassemblement et de l’unité des rangs face aux menaces sur nos frontières et dans notre profondeur stratégique », a estimé le chef du plus vieux parti d’opposition en Algérie, qui fête cette année son 60e anniversaire.

Il a souligné, par ailleurs, que les attaques du Nord-Constantinois et le Congrès de la Soummam doivent être une source de motivation pour « la poursuite du chemin tracé par les pères fondateurs du mouvement national pour la construction d’un Etat de droit, un Etat démocratique et social dans un cadre national ». Le FFS a rappelé, enfin, qu’il « s’apprête à lancer, dans les prochains jours, une initiative politique destinée à l’ensemble des forces politiques sans exclusion, pour l’accomplissement du projet national ».  

Plusieurs autres formations politiques ont également tenu à marquer l’événement, que ce soit juste en rendant public un communiqué dans lequel les deux dates symboliques sont évoquées avec tout ce que cela comporte comme enjeux de l’époque et d’aujourd’hui, tel le cas du Mouvement de la société pour la paix (MSP), ou en organisant plusieurs activités locales pour revisiter les deux rendez-vous historiques, à l’image du Front de libération nationale (FLN). 

Si ces activités ont pu se tenir en majorité sans difficultés, certaines ont été empêchées ou perturbées par de nombreuses arrestations opérées par les forces de l’ordre. « La commémoration de l’anniversaire du Congrès de la Soummam est marquée cette année par une chasse aux militants. Le RCD exige la cessation de ces harcèlements », a indiqué sur Facebook Atmane Mazouz, président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD). Il a annoncé l’arrestation, à Béjaïa, de deux secrétaires nationaux, Mohamed Labdouci et Mahmoud Bougheriou, ainsi que l’avocat et militant Sofiane Ouali. De son côté, le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), créé pendant le Hirak en 2019, a fait état de l’arrestation d’une vingtaine de militants et d’activistes se rendant à Ifri, dont le militant politique et ex-député Khaled Tazaghart ainsi que les ex-détenus d’opinion, Mohamed Tadjadit et Soheib Debaghi, pour ne citer que ceux-là. Les personnes interpelées ont été relâchées, deux à trois heures après leurs arrestations.  

Tebboune évoque la « foi en la victoire »

Bien entendu, pour leur part, les autorités du pays ont organisé des évènements officiels dans le cadre de la commémoration de la Journée nationale du Moudjahid. À cette occasion, le président Abdelmadjid Tebboune avait adressé, la veille, un message aux Algériens. « En commémorant aujourd’hui le 68e anniversaire de l’Offensive du Nord-Constantinois (1955) et le 67e anniversaire du Congrès de la Soummam (1956), nous envahit à nouveau, sur la terre de lutte, citadelle de la liberté, ce sentiment de fierté d’appartenir à une patrie forte par les sacrifices de ses chouhada qui ont légué aux générations, la loyauté aux principes de l’intemporelle Déclaration de novembre et aux vertus consacrant la conscience nationale, les incitant à être jaloux de ce pays, qui a livré un combat acharné pour se libérer du joug colonial… recouvrant sa liberté au prix d’un sang cher et sacré », a-t-il déclaré.

Et d’ajouter : « La foi en la victoire qui a animé le chahid Symbole Zighoud Youcef et ses compagnons d’armes, les guidant dans l’Offensive du Nord-Constantinois le 20 août 1955, est la même foi qui avait amené les dirigeants de la Révolution, en pleine lutte armée, à tenir le Congrès de la Soummam pour asseoir les bases organisationnelles politiques et militaires de cette Révolution ».

Quant au ministre des Moudjahidine et des Ayants-droits, Laïd Rebigua, il a lancé les festivités commémoratives depuis la wilaya de Mila (nord-est de l’Algérie) où nombre d’activités ont été organisées. D’autres wilayas du pays ont mis en place de riches programmes de commémoration, incluant des conférences et projections de films, comme c’est le cas à Alger au musée du Moudjahid ou à la salle Ibn Zeydoun, à l’Office Riadh El Feth (OREF). 

Pour rappel, l’Offensive du Nord-Constantinois a été menée le 20 août 1955 par Zighoud Youcef, dans le but, essentiellement, de desserrer l’étau sur d’autres régions, notamment les Aurès. Un tournant décisif dans la lutte pour la libération du pays. Une année plus tard, le 20 août 1956, s’est tenu à Ifri-Ouzellaguen le Congrès de la Soummam, qui a débouché sur l’organisation et la structuration de la guerre de libération. Il est connu en outre pour avoir consacré la primauté du politique sur le militaire et de l’intérieur sur l’extérieur, principes qui créent des débats passionnants jusqu’à maintenant dans le paysage politique algérien. 

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