Accord franco-algérien de 1968 : l’impossible révision unilatérale !

Drapeaux algériens et français pour illustrer l'Accord franco-algérien de 1968.
Alors que la visite d’Etat du président algérien, Abdelmadjid Tebboune, en France est annoncée depuis quelques mois déjà, sans avoir une date confirmée pour l’instant, une partie de la classe politique française a profité de l’occasion pour relancer une énième polémique avec l’Algérie. Elle exhorte le gouvernement à « dénoncer » l’Accord franco-algérien, signé le 27 décembre 1968, car il serait « très avantageux » pour les Algériens !

Depuis le mois de mai dernier, plusieurs personnalités, particulièrement de droite, sont montées au créneau pour dénoncer « les avantages accordés aux Algériens » à travers ledit accord qui fixe, depuis mars 1969, les conditions de circulation, d’emploi et de séjour des ressortissants algériens en France. Le premier à ouvrir le bal n’est autre que l’ancien ambassadeur de France à Alger, Xavier Driencourt, qui multiplie les charges contre l’Algérie depuis la fin de sa mission diplomatique. C’est lui qui a pris l’initiative de publier un mémorandum appelant à la révision du texte portant essentiellement sur la circulation des personnes. « Les Algériens rient de notre naïveté », a-t-il notamment asséné. « Aucune politique migratoire cohérente n’est possible sans la dénonciation de l’accord franco-algérien », précise-t-il encore, estimant que ce document « prive le législateur [français]de la possibilité d’agir sur le flux en provenance de l’Algérie ».

Aussitôt, deux ex-Premiers ministres, en l’occurence Edouard Philippe et Manuel Valls, se sont joints à l’ancien diplomate et au chœur animé par d’autres figures de la droite et de l’extrême-droite. Éric Ciotti, le président du parti Les Républicains, mais aussi Marion Maréchal, une des dirigeantes du parti d’extrême-droite Reconquête, présidé par le polémiste Éric Zemmour, ont appelé également les autorités de leur pays à demander à l’Algérie de revoir ces accords.

Qui a signé l’accord Franco-algérien ?

Paraphé par le ministre algérien des Affaires Étrangères, un certain Abdelaziz Bouteflika, et l’ambassadeur de France en Algérie, Jean Basdevant, le texte de l’accord bilatéral offre un « statut particulier » au citoyens algériens par rapport aux immigrés d’autres nationalités, en dehors de l’Union européenne. Par exemple, les Algériens peuvent obtenir un certificat de résidence de 10 ans après seulement 3 ans de présence légale sur le sol français, contre 5 ans pour les ressortissants d’autres pays. Cette loi donne, en outre, des avantages aux membres des familles des immigrés algériens.

Et pour cause, cet accord a été signé dans le sillage du renforcement des Accords d’Évian et, surtout, dans une France marquée, durant Les Trente Glorieuses, par un grand besoin de la main d’œuvre étrangère, de surcroît celle de l’ancien payé colonisé. Cependant, et contrairement à ce qu’affirment ses détracteurs, le texte (légèrement revu en 1985, en 1994 et en 2001) ne comporte pas que des avantages. Ainsi, les étudiants algériens sont désavantagés par rapport aux étudiants d’autres nationalités, en ce qui concerne par exemple le temps de travail autorisé. Mais pas que ! Ils sont privés de tous les droits que la loi du 24 juillet 2006, relative à l’immigration et à l’intégration, confère aux étudiants étrangers en matière de stabilité socio-professionnelle.

L’accord franco-algérien au menu des discussions entre Paris et Alger ?

Du côté algérien, il n’y a pas de réaction officielle pour l’instant. Or, il y a quelques années, les autorités avaient clairement refusé de discuter du sujet, notamment à l’époque où Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur. Ce sujet reviendra, à coup sûr, dans les discussions algéro-françaises, à Paris, à l’occasion de la prochaine visite d’Etat qu’effectuera le président Tebboune, très probablement cet automne.

La France peut-elle réellement pousser l’Algérie à revoir ces accords ? « Nous n’avons malheureusement aucun levier à utiliser pour contraindre les Algériens à réviser ces accords », a fini par admettre Xavier Driencourt, qui a expliqué que le seul atout dont disposait son pays était « les visas ». Pour le politologue Hasni Abidi, les pressions françaises sont surtout contreproductives. « Le débat partisan, orienté et menaçant est non seulement contre-productif, mais il risque de torpiller une détente ô combien nécessaire aux discussions sur tous les sujets, y compris l’accord de 1968. Voilà pourquoi, des forces politiques dans les deux rives souhaitent que la relation entre Paris et Alger soit condamnée à l’incertitude et à l’échec », a-t-il écrit sur son compte Twitter.

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