Avec un chiffre d’affaires annuel de plus de 4 milliards de dollars, Cevital est classé par Forbes 25e dans le top 100 des « entreprises familiales » de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. La fortune personnelle des Rebrab a été estimée par le magazine américain à « 4,6 milliards de dollars, en juillet 2023 ».
Le groupe familial, créé en 1971, est composé de 26 filiales et emploie au moins 18 000 personnes, ce qui en fait la plus grande entreprise privée en Algérie. Il opère essentiellement dans l’agroalimentaire, la grande distribution, l’électroménager et la sidérurgie. Et il compte s’agrandir davantage avec le déblocage de nombreux projets et le lancement d’autres.
Une nouvelle ère commence-t-elle pour Cevital ?
Bloquée pendant longtemps, l’usine de trituration des graines oléagineuses de Cevital, située au Port de Béjaïa, est officiellement entrée en production en mai dernier. Elle devrait permettre au pays de ne plus dépendre des importations extérieures pour la production des huiles de table. L’unité de production a pour première ambition de triturer 11 000 tonnes de Soja, 6 000 tonnes de tournesol et 5 000 tonnes de Colza pour produire de l’huile brute, qui sera ensuite raffinée par le complexe agro-alimentaire existant actuellement. Celui-ci est également modulé pour produire parallèlement de l’aliment de bétail, notamment les tourteaux, dans des proportions considérables avec des rendements estimés quotidiennement à 8 910 tonnes de Soja, 3 360 tonnes de tournesol et 2 980 tonnes de Colza. Pour réaliser ces objectifs, le groupe industriel a signé des conventions avec des agriculteurs partout en Algérie pour l’approvisionner en matières premières, de sorte à produire une « huile 100 % algérienne ». Peut-on atteindre cet objectif sachant que l’Algérie est un pays semi-aride ? Le défi est lancé.
Avant cette ouverture, l’usine, présentée comme l’une des plus importantes dans le monde, a dû traverser de nombreux obstacles. Acquises en 2017, pour un montant avoisinant les 40 millions de dollars, les machines qui ont servi au montage de cette usine n’ont pu être dédouanées qu’en 2020. L’ancien patron et fondateur du groupe, Issad Rebrab, avait alors accusé des « forces occultes » d’avoir bloqué le projet pour permettre aux Kouninef d’installer le leur, trois fois moins important, à Jijel. L’acharnement des autorités de l’époque était tel que les équipements étaient dédouanés une première fois au port de Skikda, mais Cevital était sommé de les réexporter ; une procédure pourtant interdite par la loi. Pendant ce temps, ces équipements étaient stockés dans différents pays méditerranées, particulièrement en France, coûtant de l’argent et du temps au conglomérat privé.
Cette galère a finalement pris fin avec l’arrivée au pouvoir d’Abdelmadjid Tebboune. Une décision politique a été prise pour laisser entrer les machines. Ce qui ne signifiait pas que le projet était débloqué complètement car, en 2021, les relations se sont dégradées à nouveau entre le gouvernement et l’ancien patron de Cevital. Un bras de fer est alors lancé entre les deux parties jusqu’à 2022. En contrepartie du déblocage des projets de Cevital, les autorités auraient « exigé la démission de Issad Rebrab de la tête du groupe et la fermeture du journal Liberté ». Objectifs atteints !
Cevital version Malik Rebrab
Malik Rebrab, fils jusqu’ici très discret de l’ancien patron, est installé PDG du groupe Cevital en juin 2022. Depuis, le gouvernement, à commencer par le chef de l’Etat, a donné un coup d’accélérateur à l’usine de trituration. Signe d’une désormais bienveillance politique, le wali de Béjaïa est allé visiter l’usine à plusieurs reprises. De même, le ministre de l’Industrie s’était rendu sur ledit site et dans l’usine de fabrication de moteurs pour machines à laver, installée à Sétif, un autre projet débloqué de Brandt cette fois-ci, la filiale électroménagère du groupe.
Toutefois, le déblocage de ces deux projets ne signifie pas pour autant la fin de tous les problèmes que rencontre l’entreprise. L’installation de l’usine d’épuration d’eau EvCon à Blida, projet cher à Issad Rebrab, traîne encore. Pour rappel, l’importation des fameuses composantes, présentées comme révolutionnaires, a valu au fondateur de Cevital des poursuites judiciaires et une condamnation, en 2019, pour « surfacturation d’équipements importés ».
Cevital est confronté à un autre problème crucial car l’Etat ne paierait que parcimonieusement sa part dans la subvention des produits alimentaires de base, notamment l’huile et le sucre. Les dettes publiques seraient colossales, obligeant le groupe à faire des emprunts bancaires, « à un taux de 9%, révèle un banquier, pour faire face au manque à gagner généré par la vente, à perte, des produits subventionnés ». Des sources proches de l’entreprise évoquent des sommes faramineuses, qui avoisinent les 10 milliards de dinars (environ 70 millions d’euros).
En partie à cause de ces difficultés financières, certaines représentations et des magasins Uno, de sa filiale de distribution Numidis, ont été fermés par Cevital. Des showrooms de sa filiale Oxxo, spécialisée dans la fabrication des portes et fenêtres, ont été également contraints de baisser leurs rideaux et des personnels de la société sont remerciés.
En revanche, les fleurons du groupe enregistrent des résultats très positifs. C’est le cas, entre autres, de Brandt qui continue d’innover et du fabriquant Mediterranean Float Glass (MFG), spécialisé dans la production du verre plat, qui vient d’être primé par le président Tebboune comme « champion d’exportation » hors hydrocarbures, lors d’une cérémonie organisée à Alger, le 11 juillet.
En outre, afin de profiter de l’aubaine économique qu’ils offrent, Cevital envisage de s’introduire dans plusieurs secteurs pour la première fois. Selon nos informations, deux projets au moins sont en stade bien avancé. Le premier concerne l’ouverture d’une usine de fabrication de moteurs pour engins, qui sera installée à Constantine, en collaboration avec Weg, un grand groupe brésilien spécialisé dans les équipements électriques. Le second se porte sur des discussions avec le géant américain de la restauration rapide, KFC, pour l’ouverture d’une franchise en Algérie.