Ramadan en Algérie : Le rituel d’un Iftar 100% DZ

Table Iftar Algérie

Pratiques religieuses, coutumes séculières et plats traditionnels emblématiques, le tout sans modération pendant 30 soirées de suite. C’est le mois de Ramadan en Algérie. Prière, partage, ambiance festive, vie nocturne, ces joyeux moments de vie sont ponctués par la dégustation de recettes succulentes puisées du riche patrimoine culinaire algérien. Récit d’une journée ramadhanesque.

Fini le grand ménage, et pour certains la peinture aussi, la décoration des maisons, le renouvellement de la vaisselle, des nappes et sets de table, des torchons, etc. Les tapis gardés pour les « grandes occasions » sont déjà déroulés et les rideaux lavés accrochés. Les préparatifs pour ce « mois sacré » sont indispensables, un fait culturel bien ancré dans l’ensemble de la société algérienne.

Côté cuisine, plusieurs jours avant, c’est le rush dans les magasins d’épices et de fruits secs (abricots, raisins, pruneaux, etc.). Les meilleurs diouls (feuilles de bricks), soigneusement faits maison, sont les plus recherchés, tout comme les dattes aussi onctueuses que délicieuses venues tout droit des belles oasis du Grand Sud, singulièrement la deglet nour. Les grandes surfaces profitent de l’occasion pour « exhiber » ces produits prisés, quelques semaines avant « la nuit du doute », plongeant ainsi leurs clients dans l’ambiance de Ramadan bien avant l’heure.

Couffin à la main chaque matin

11 heures du matin, le 11 mars, au premier jour de Ramadan, Nadia arrive au marché emblématique de Belcourt. Peu à l’aise et pressée, elle doit « terminer ses courses avant midi », juste le temps de préparer son Ftour ou Iftar, l’incontournable repas familial pour la rupture du jeûne. Mais elle semble être, quand même, très méticuleuse. Quelle viande choisir ? Chez qui acheter les pois chiches ? Et la coriandre, est-elle vraiment fraîche ? Femme au foyer d’à peine 50 ans, elle se charge elle-même des courses avant de s’occuper ensuite de la cuisine. Elle prend encore du temps chez le vendeur de fruits et légumes pour choisir ses tomates et s’assurer de la qualité du piment. Et surtout à ne pas oublier la menthe, « très importante à la fois pour la chorba et le thé ».

Sur la liste des achats de dernière minute, question de « s’assurer de la fraîcheur des produits », en plus évidemment de la viande rouge et du poulet, figurent beaucoup de légumes, quelques fruits, des dattes, etc. Fidèle à son marchand habituel « en dépit de l’augmentation vertigineuse des prix », en attendant la baisse généralisée des prix des produits de première nécessité promise par le gouvernement à l’occasion du mois de Ramadan. À ce propos, une réduction de 10 % est annoncée sur l’ensemble des produits électroménagers dans tout le pays. C’est un mois de consommation par excellence, un prétexte pour les ménages pour se rééquiper notamment en fours et en téléviseurs, en sachant que les sketchs, les émissions et les feuilletons ramadanesques rassemblent toute la famille algérienne autour du même écran.

Nadia prépare son pain à la maison : metloue, khbizat ou galette kabyle. Elle fait son choix selon le menu du jour. Toutefois, elle marque « un arrêt obligatoire » chez le boulanger. Quelques baguettes de pain à mettre dans son filet, « au cas où… des baguettes de secours », une fâcheuse habitude très répondue en Algérie. Pas étonnant donc d’apprendre que les Algériens gaspillent plus de 100 millions de baguettes de pain pendant le mois de Ramadan, à ajouter aux 800 millions autres jetées durant le reste de l’année. « Non, je ne les jette pas. Celles qui ne sont pas consommées je m’en sers pour faire une chapelure ou une recette à base de pain perdu. », se défend-t-elle. Porte-monnaie à la main, la mère de famille sillonne rapidement les stands marchands pour atteindre les vendeurs des olives. Ici, il faut être patient un peu, beaucoup ; un monde fou. Et pour cause, cet ingrédient est l’une des pièces maîtresses de la table des Algériens pendant ce mois. Chaque plat est généralement accompagné d’olives en guise de salade. « Les piquantes sont très demandées », selon le vendeur. Et on innove : des olives sans sel !

En attendant son tour, notre guide du jour se précipite pour acheter les diouls juste à côté. D’une pierre deux coups. Ces feuilles de pâte ultra fine servent à envelopper la farce de certaines douceurs, principalement du Bourek. Ce met indispensable se vend aussi à la demande, au grand bonheur des personnes qui n’ont pas le temps d’en préparer à la maison par manque de temps ; un commerce occasionnel qui permet à beaucoup de « ménagères » aux revenus modestes de gagner un peu d’argent en les préparant en gros pour les commerçants qui, à leurs tour, les revendent au détail.

Tout le monde à table à l’heure d’Iftar   

Quelle que soit la région du pays la chorba est le plat d’entrée commun de tous les Algériens pendant Ramadan. Les détails de la recette et les appellations différent  (Djari, Chorba frik ou Hrira), mais le principe est le même : soupe chaude à base de légumes, avec de la viande d’agneau. Elle est consommée avec le fameux Bourek, une farce (généralement faite à base de viande hachée, oignons, épices, fromage, etc.) enrobée dans des feuilles à pâte très fine, et le tout cuit en friture ou au four. Des variétés de Bourek sont tentées au fil des jours : viande blanche hachée, crevette, pomme de terre, épinard, etc., c’est vraiment selon les goûts et les moyens.

Pour le plat principal du premier jour, le Kbab (plat à base de pomme de terre) est le préféré des Algérois. La tradition veut qu’on accueille le mois de Ramadan par des plats typiquement traditionnels faits à base de viande. Certaines familles optent aussi pour le Mtouem (des boulettes de viande hachée). Elles sont savoureusement bien assaisonnées, placées dans une sauce blanche, préparée à la viande d’agneau avec beaucoup d’ail et décorée avec des amandes. À l’est du pays, ils préfèrent généralement les cuisiner dans une sauce rouge.

Vient ensuite le choix des salades et les crudités. Des merveilles colorées avec Hmiss ou Slatta, c’est-à-dire du poivron ou du piment avec de la tomate fraîche, grillés écrasés et assaisonnés de beaucoup de l’huile d’olive. Pour finir, on se régale avec Lham Lahlou ou Tajine Hlou (viande sucrée) en guise de désert, servi pendant tout le mois. À la base et traditionnellement, il est préparé avec de la viande d’agneau, mais la tendance veut que cette partie soit éliminée, pour se concentrer uniquement sur les fruits secs et le sirop. C’est un mélange de raisins, de pruneaux et d’abricots secs, cuits à la vapeur dans un sirop à base de sucre et eau d’orangé et un peu de cannelle, décorés avec des amandes effilées.

Ce que le jour doit à la nuit ! 

Comme il s’agit de mois de sucrerie à outrance, un large choix est aussi offert après l’Iftar en matière de desserts sucrés. Les flans et les gâteaux à base de miel, faits maison, sont les plus affectionnés devant la télé, juste avant de sortir. La vie nocturne est indescriptible. Les soirées animées sont accompagnées de Kalb el louz et de Zlabia, les stars absolues partout : aux cafés, à la maison et à la mosquée.

Nadia prend d’ailleurs un grand plaisir à organiser des soirées familiales au tour d’un thé et de ces gâteaux après la prière de Tarawih. Avec ses amies, elles se rendent tous les soirs à la mosquée, située à quelques mètres de chez elles : « C’est un mois chargé pour moi, fatiguant certes, mais un plaisir de se rapprocher de Dieu et surtout de pouvoir prendre en charge quelques personnes au Ftour et de partager des soirées avec des amies et des voisines ». Offrir à manger aux pauvres et aux voyageurs de passage est une coutume quotidienne en Algérie en ce mois sacré, qui se pratique individuellement (les recevoir chez soi) et collectivement (organiser un Iftar collectif ou ouvrir un restaurant dédié).

Le matin, avant le lever du soleil et le début du jeûne, place au S’hour : un repas généralement léger. Dans beaucoup de régions d’Algérie, le S’hour est constitué essentiellement de couscous aux raisins secs. Dans d’autres régions, comme la Kabylie, c’est un couscous aux petits pois et même aux fèves. Le tout accompagné de Lben (petit-lait fermenté) ou de Raïb (lait fermenté mésophile).

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