Militante des causes sociales et anticoloniales jusqu’à son dernier souffle et infatigable défenseuse de la cause algérienne, proche de la fédération de France du FLN, entre 1957 à 1962, Clara Benoits, née Hesser, vient de mourir à l’âge de 93 ans, à Paris.
C’est un hommage vibrant qu’ont rendu ces derniers jours les militants qui ont approché ou travaillé avec Clara Benoits, décédée le 13 décembre et dont les obsèques ont eu lieu le 27 décembre. Le journal L’Anticapitaliste, organe du Nouveau parti anticapitaliste (NPA), écrit à son sujet : « Pendant la guerre d’Algérie, Clara s’engage activement dans la solidarité avec les Algériennes et les Algériens. Chez Renault, elle diffuse presse et documents d’opposition à la guerre. Elle participe aux tâches confiées par la fédération de France du FLN et à la diffusion d’El Moudjahid, l’organe clandestin du FLN. Le 17 octobre 1961, elle fait partie, des cinq observateurs de Renault que le FLN avait sollicités pour assister à la manifestation et témoigner de son déroulement ». Pendant des années après l’indépendance, avec son époux Henri Benoits, elle rendait témoignage « jusqu’à ces toutes dernières années dans des manifestations, documents vidéo ou dans les établissements scolaires ». La défunte laisse ainsi son mari, aujourd’hui nonagénaire, une fille, Sophie, et des petits enfants, tous fiers de son parcours d’humaniste sans failles !
Ouvrière française au cœur algérien
Clara est née le 11 janvier 1930, à Paris, d’une mère française ouvrière, et d’un père d’origine hongroise membre du Parti social-démocrate de Hongrie avant d’émigrer en France où il a activé à la CGT jusqu’à sa mort en 1953. De ce père, elle gardera l’engagement chevillé au corps. Dactylo chez Renault, au service Exportation, en 1949, elle se syndique à la CGT et entre au Comité exécutif du syndicat au début des années 1950. Elle adhère aussi au Parti communiste français (PCF). Lors d’une grande grève chez Renault, en février 1952, elle rencontre Henri Benoist, militant trotskiste. « Avec lui, elle discute de la politique coloniale française et des aspirations du peuple algérien, en particulier au lendemain de l’insurrection du 1er novembre 1954 », écrit Lachkhem Abdelaziz, dans un témoignage posté en commentaire à un hommage qu’Henri Pouillot a publié sur Facebook.
C’est à cette période que les désaccords avec la ligne du PCF sur la question algérienne deviennent irrémédiables ; comme beaucoup de communistes en rupture avec leur parti lorsque, en 1956, les députés communistes votent le projet de loi du socialiste Guy Mollet sur les pouvoirs spéciaux, pour le maintien de l’ordre en Algérie. Elle est pour l’indépendance de l’Algérie et quitte le PCF, restant syndicaliste jusqu’à la fin de sa carrière chez Renault en 1985. Au syndicat comme dans l’action politique militante, elle va passer les années de 1957 à 1962 à soutenir les nationalistes algériens, « avec Henri Benoits, prenant sur son temps de déléguée du personnel pour taper, reproduire et convoyer des tracts, collectant et organisant la diffusion d’El Moudjahid, organe clandestin du FLN, organisant un Comité de mensuels pour la Paix en Algérie qui diffusait ‘‘Vérité-Liberté’’ et ‘‘Témoignages et documents’’, envoyant des mandats aux emprisonnés algériens dans les camps du Larzac, après que les premières discussions entre les émissaires du gouvernement du Général de Gaulle et du GPRA eurent permis aux Algériens d’obtenir l’envoi de mandats aux emprisonnés et assignés à résidence », écrit encore Lachkhem Abdelaziz. Ce dernier rappelle, enfin, qu’elle a témoigné dans le film-documentaire, en six épisodes de 52 minutes, En guerre(s) pour l’Algérie (2022), de l’historienne Raphaëlle Branche et du réalisateur Rafael Lewandowski.