Dans un dossier consacré à « L’islam de France et le conflit israélo-palestinien », publié vendredi dernier, Le Figaro a donné la parole à Chems-Eddine Hafiz, recteur de la Grande mosquée de Paris, que le journal accuse d’avoir une « position ambiguë » depuis les attaques du Hamas contre Israël, le 7 octobre 2023, et la riposte disproportionnée et vengeresse de l’Etat hébreu.
Gérée par la Société des habous et des lieux saints de l’islam, de statut français, depuis 1920, mais largement financée par le trésor public algérien, la Grande Mosquée de Paris (GMP) est une institution dirigée par l’avocat franco-algérien Chems-Eddine Hafiz, qui a succédé à Dalil Boubakeur en 2020. Cela semble suffisant au Figaro pour présenter Hafiz comme un recteur « écartelé » entre Alger et Paris. Ce qui expliquerait, selon le quotidien de droite, sa « position ambiguë » envers les « attaques terroristes du Hamas ». Lui déniant la liberté de défendre un argumentaire nuancé, depuis le 7 octobre, la même source affirme que la GMP « a dû inévitablement choisir son camp », rappelant que « les liens fonctionnels entre la Grande mosquée de Paris et l’Etat algérien ont toujours été une évidence ». Or, c’est une manière de sous-entendre que la GMP est alignée sur le discours constant de la diplomatie algérienne, qui considère le mouvement islamiste Hamas comme un « parti de résistance palestinien, parmi d’autres, contre la colonisation sioniste ».
Interrogé dans ce dossier sur sa supposée « ambiguïté », le recteur Hafiz a réfuté catégoriquement l’accusation de « double discours » concernant la dénonciation des crimes de guerre contre les civils dans le conflit israélo-palestinien, qu’ils soient israéliens ou palestiniens. « Je ne tiens pas un double discours, je suis simplement resté dans le camp de la paix. Après le terrible jour du 7 octobre 2023, la situation a très vite évolué : être dans le camp de la paix signifiait selon moi appeler à la fin des bombardements sur la population civile de Gaza, au cessez-le-feu, à la libération des otages, à la construction d’un Etat palestinien et, par ailleurs, à ne pas importer le conflit en France en l’interprétant comme une opposition entre musulmans et juifs », a-t-il expliqué.
La Grande mosquée de Paris et la marche contre l’antisémitisme
Évoquant des « divergences » entre les différents représentants de l’islam en France vis-à-vis du Hamas et leur « condamnation plus ou moins claire des actes antisémites », le recteur de la GMP est sommé par son interlocuteur de se justifier sur le fait qu’il n’ait pas appelé à marcher contre l’antisémitisme, le 12 novembre, une manifestation à laquelle le président français, Emmanuel Macron, et le parti de gauche La France Insoumise n’ont pas pris part car, au-delà de son objectif noble, elle a vu la participation de l’extrême droite qui récupère la lutte contre l’antisémitisme au profit de son fonds de commerce basé sur l’islamophobie et le racisme antimusulman. « Je ne suis pas allé à la marche du 12 novembre pour deux raisons : je ne voulais pas m’associer aux mouvements et personnalités qui vivent de la haine antimusulmane et qui ont profité de cette manifestation pour la clamer, et je souhaitais par ailleurs que cette marche soit contre toutes les formes de racisme et d’intolérance, afin qu’elle unisse notre société et n’alimente pas les clivages », a-t-il répondu. Et de marteler : « Je refuse d’associer l’islam à l’antisémitisme et de dire qu’un individu est antisémite parce que musulman ».
Quant à sa rencontre avec des membres de l’ex-UOIF (Union des organisations islamiques de France), renommée Musulman de France (MF) en 2017, accusés de radicalisme et de proximité avec le mouvement des frères musulmans, le recteur de la mosquée de Paris s’est défendu de « n’avoir passé aucun accord avec la fédération des Musulmans de France ». Selon lui, il a juste « signé un communiqué » qui appelait à « soutenir les efforts de paix et d’apaisement au sein de la communauté nationale française ».