Émeutes urbaines : 40 ans d’échec des plans banlieues

Tour d'immeuble dans une banlieue française.
De Georges Pompidou à François Hollande. 40 ans de plans d’aide au développement des banlieues françaises créés dans les années cinquante pour accueillir les travailleurs étrangers et leurs familles. Malgré les efforts financiers consentis, ces cités dortoirs demeurent toujours des poudrières prêtes à exploser à tout moment. Retour sur les plans les plus importants.

C’est en 1973 que M. Olivier Guichard, alors ministre de l’Équipement, met fin à la construction des grands ensembles urbains à la périphérie de Paris et des grandes villes françaises, telles que Marseille, Lyon ou Nice. C’est dans ces « cités dortoirs », comme on les a appelés par la suite, que les travailleurs émigrés, en majorité algériens, ont vécu et accueilli leurs familles. Mais le président Pompidou a ordonné de mettre fin à ce type de construction, sous formes de tours pointées vers le ciel, car considérées comme « peu conformes » aux volontés des habitants voire même à leur mode de vie traditionnel. De même, dans la tête de Valéry Giscard d’Estaing, cette mesure avait aussi pour but d’éviter une forme de « ségrégation sociale » comme ce fût le cas aux Etats-Unis dans les années 50 et 60.

En 1977, la banlieue connaît son premier plan, intitulé « Habitat et vie sociale ». Il a été initié par Jacques Barrot, le ministre du Logement de Giscard, il avait pour but de « réintégrer dans la société les grands ensembles dégradés dans 53 banlieues, via une amélioration du cadre architectural, du confort des logements, ainsi qu’en développant la vie sociale dans les quartiers ». Il faut noter, d’ailleurs, que c’est aussi sous Giscard que la France a procédé à la destruction des bidonvilles de Nanterre et le relogement de ses habitants, en majorité des Algériens, dans des cités nouvellement construites.

La « Marche des beurs »

En 1981, avec l’arrivée du président socialiste François Mitterrand au pouvoir, le gouvernement français lance le plan de « zone d’éducation prioritaire » communément appelée ZEP. C’est le ministre de l’Education de l’époque, Alain Savary, qui s’y chargera. Il cible beaucoup plus les écoles primaires, collèges et lycées situés dans des banlieues dites « pauvres ». Ainsi, les établissements concernés par ce plan avaient droit à des dotations financières importantes en vue d’aider les enfants de ces établissements à mieux appréhender l’apprentissage scolaire et mettre fin à l’échec scolaire. Cependant, force est de constater que le plan « ZEP » n’a pas donné tous les résultats escomptés à cause notamment du manque de moyens financiers et d’enseignants spécialisés.

En 1983, a été mis en place le plan « Banlieue 89 ». Porté par des architectes solidaires, il visait à donner plus d’esthétisme aux banlieues, et ce en les réaménageant et en les désenclavant des grands sites urbains. Mais ce projet comme tous ceux qui l’ont précédé n’a pas permis d’apporter un réel changement aux habitants de ces cités. Bien au contraire, c’est cette année-là, le 15 octobre, qu’a eu lieu une marche populaire, appelée initialement « Marche pour l’égalité et contre le racisme » et surnommée ensuite « Marche des beurs», partie du quartier les Guinguettes à Lyon en direction de Paris. Les marcheurs, par milliers, ont tenu à dénoncer le racisme et les discriminations dont sont victimes les habitants des banlieues.

40 ans après, alors que la France s’apprête à fêter cet évènement qui a sorti de l’ombre les Français d’origine étrangère, on assiste à un nouvel épisode de violence secouant la France à cause de la mort du jeune Nael tué à bout portant par un policier.

Plan Marshall des banlieues

S’ensuivent le plan « Etat région » défendu par Michel Rocard, en 1984, alors ministre de l’Aménagement du territoire, et le plan Bernard Tapie, en 1992, alors ministre de la Ville. Ce dernier prévoyait que des grandes entreprises puissent parrainer des jeunes de banlieues et autres cités difficiles dans leur parcours de vie et de recherche d’emploi et leur intégration par le sport. Mais il fallait attendre 1996 pour voir naître un vrai « plan Marshall des banlieues », sous la houlette du président Jacques Chirac. Ce dernier a été élu sur le thème de la « fracture sociale » qu’il voulait résorber. Il avait chargé son premier ministre de l’époque, Alain Juppé, de présenter un plan ambitieux de relance de la ville. Celui-ci a permis ainsi la création de 30 « zones urbaines ». Toutes les entreprises qui investissaient dans ces zones étaient exonérées d’impôts et de charges sociales. Chirac avait à cœur de permettre aux habitants des banlieues de s’insérer dans le tissu économique et social du pays.

Une année après, c’est Jean Pierre Chevènement, alors ministre de l’Intérieur qui créa la « police de proximité ». Elle était supposée jeter des « ponts » entre l’autorité publique et les jeunes des quartiers, les écouter et comprendre leurs doléances. Cela dit, le véritable objectif était de lutter contre les « violences urbaines ».

Émeutes urbaines de 2005

En 1999 et en 2001, le président Chirac demandera à son nouveau premier ministre socialiste Lionel Jospin, cohabitation oblige, de présenter deux nouveaux projets pour soutenir les banlieues. C’est ainsi que le futur candidat malheureux de l’élection présidentielle 2002 lança le « plan de rénovation urbaine et de solidarité ». Le premier a été doté d’un peu plus de 3 milliards d’euros, et il visait à éviter la création de nouveaux ghettos. Le second a été doté de plus de 5 milliards d’euros, dont 15 millions d’euros ont été alloués à l’amélioration de la qualité de vie dans les quartiers. Le reste de l’argent a été réservé à la rénovation des routes et la destruction des immeubles et tours vétustes avec leur remplacement par des immeubles modernes, mieux isolés et dotés de nombreuses commodités.

Malgré ces efforts du gouvernement, la violence dans les quartiers populaires connaîtra son apogée en 2005, avec l’embrasement de toutes les banlieues françaises à la suite de la mort de deux jeunes, Zyed Benna et Bouna Traoré, électrocutés par un transformateur électrique alors qu’ils étaient poursuivis par des policiers. Trois ans après, c’est-à-dire en 2008, c’est Nicolas Sarkozy, fraîchement élu, qui lance son plan « Espoir banlieue ». Il nomma aussi Fadela Amara, française d’origine algérienne, secrétaire d’Etat à la Politique de la ville. Une première. Le plan de Sarkozy a concerné plus de 200 quartiers dits « difficiles » partout en France et avait également pour objectif la réduction du chômage chez les jeunes de moins de 26 ans. Plus d’un milliard d’euros a été déboursé pour ce plan, largement chahuté par le comportement de Sarkozy lui-même, avant et durant sa présidence. En juin 2005, alors qu’il était encore ministre de l’Intérieur, il profita d’une sortie de travail à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), pour affirmer sa volonté de « nettoyer au Karcher » les cités.

Plan Borloo, un espoir mort-né

En 2013, le président François Hollande s’attaque à son tour aux problèmes des banlieues. Il expérimenta un dispositif d’emplois « francs ». Celui-ci consistait à motiver les entreprises à recruter des jeunes de banlieues sans diplômes contre la subvention de 5 000 euros pour chaque personne recrutée. Des moyens humains ont été aussi investis dans le système éducatif avec plus d’enseignants et d’encadrement à partir de la crèche.

Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron, en 2017, aucun plan banlieue digne de ce nom n’a été dévoilé. Néanmoins, la présidence de la République a indiqué que près de 20 milliards d’euros ont été déjà injectés dans ces espaces de vie. L’espoir suscité par le « plan Borloo » lors de la première mandature de Macron n’est jamais devenu une réalité. L’ancien ministre de la Ville devait annoncer un véritable plan ambitieux d’une valeur de 48 milliards d’euros, mais celui-ci a été remis aussitôt dans les placards de l’Élysée et oublié. Les banlieues attendront….

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