Interdiction de Barbie en Algérie, entre absurdité et compréhension

Affiche film Barbie
Avec Barbie, il y a eu une véritable tempête rose sur le cinéma mondial. L’œuvre de la réalisatrice américaine Greta Gerwig s’est imposée comme un coup marketing historique. Cependant, le film a été interdit dans plusieurs pays, dont l’Algérie. De quoi il retourne ?

Suscitant incompréhension pour les uns et déception pour les autres, le long métrage autour des aventures de la célébrissime poupée et de son compagnon Ken a été déprogrammé après plusieurs jours de projection dans les salles obscures algériennes, notamment à Alger, à Oran et à Constantine.

L’information de l’interdiction n’a pas été rendue publique par voie officielle, jusqu’à maintenant, mais le ministère de la Culture, selon plusieurs sources, a donné des instructions dans ce sens officieusement pour « atteinte à la morale ». Il aurait ainsi rattrapé l’« erreur » d’avoir permis la diffusion en Algérie d’une telle production, « incompatible avec la société algérienne » selon les milieux conservateurs !

Censure « absurde »… mais « compréhensible » !

Actuellement, le film n’est effectivement plus à l’affiche. C’est le cas à la salle algéroise Ibn Zeydoun. Barbie cède sa place, forcée, dans le programme tracé jusqu’au 23 août. « Ce n’est pas très rose comme message », ironise une étudiante en science du langage, qui trouve cette censure « absurde » et « insensée ». Contrairement à elle, Massil, un adolescent de 13 ans, a réussi à voir le film… à Paris. « Je l’ai vu pendant mes vacances, fin juillet. Pourtant, mes parents ne voulaient pas que je le regarde avec mes amis pendant les quelques jours de sa diffusion en Algérie », précise-t-il. Le jeune homme pense, d’ailleurs, que l’interdiction est inutile. « Cela ne change rien en réalité puisque, dit-il, on peut encore le regarder autrement, sur d’autres supports ».

Si certains, particulièrement parmi la jeunesse dorée, pensent que la décision des autorités culturelles du pays est une « atteinte à la liberté de culture », d’autres affirment qu’il s’agit plutôt d’une « bonne décision », « compréhensible » car il faut « sauvegarder la morale et les valeurs de la famille dans notre pays ».

Or, pendant trois longues semaines, on a observé des files interminables de curieuses et de curieux, venus découvrir la superproduction devenue virale sur les réseaux sociaux. Plusieurs séances de projection étaient programmées dans les grandes villes. Par exemple, aux salles de cinéma Cosmos et Ibn Zeydoun à l’Office Riadh El Feth d’Alger, c’était difficile de trouver un ticket pendant cette période-là.

40 000 entrées pour Barbie dans les cinémas algériens

Adolescents, enfants mais aussi adultes, tous étaient emballés par l’idée de découvrir le blockbuster, dans une « ambiance rose » n’ayant rien à envier à celle observée un peu partout dans le monde. 40 000 tickets Barbie auraient été vendus en Algérie depuis sa sortie au cinéma, le 19 juillet dernier.

« C’est normal pour le public adolescent ou plus jeune, difficile de déchiffrer le message que le film véhicule. Mais, comme tout autre film d’aujourd’hui, il répond à un agenda précis d’une pensée dominante et ses mœurs du moment », explique une maman, adepte de la critique cinématographique. « Rien de grave », lance sa fille de 15 ans. « Dans ce film, la réalisatrice a fait passer plusieurs messages pour dire qu’il est important de travailler ensemble pour promouvoir l’égalité des sexes et lutter contre les injustices liées au patriarcat. Elle a aussi parlé du féminisme qui a réveillé les esprits de certains spectateurs. Il reconnaît que les femmes ont souvent été marginalisées et cherche à remédier à cela en luttant contre les inégalités », témoigne la jeune Kamélia.

Dans le monde, Barbie est le sixième film de l’histoire à dépasser le milliard de dollars de revenus et le deuxième de l’année 2023, avec 1,19 milliard de dollars de recettes à ce jour. Un exploit pour sa réalisatrice Greta Gerwig. Néanmoins, il s’agit bien d’un film qui a suscité de grandes polémiques non seulement en Algérie, mais aussi dans d’autres pays. Après ceux de l’Asie du sud-est, notamment le Vietnam et les Philippines, où le film a été blacklisté pour des considérations historiques, des pays du Moyen-Orient, à l’instar du Liban et du Koweït, l’ont interdit car accusé d’« importer des valeurs étrangères à la société » et de « promouvoir l’homosexualité ».

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